Tu t’ appelais Maria schneider de Vanessa Schneider
Dans ce nouveau livre que je tenais absolument à vous présenter, intitulé « Tu t’appelais Maria Schneider « , Vanessa Schneider nous livre un portrait intime de cette cousine qu’elle a connue enfant et dont le souvenir reste si présent, tant il est douloureux.
Toute la vie de Maria Schneider se résume en une scène, celle du film de Bernardo Bertolucci « Le dernier Tango à Paris« .
Dans les années 70, le public découvre avec stupeur une scène de viol : Marlon Brando, allongé sur Maria Schneider, mime une scène de sodomie.
L’actrice, à l’époque, a 19 ans et est donc officiellement mineure.
‘’Sous ces dehors ces images se cachait un petit coeur perdu une gamine à la dérive.’’
Victime d’une scène dont elle n’a pas été mise au courant par le metteur en scène et l’acteur, elle est prise de stupeur et de panique, et vit littéralement la scène comme un viol.
‘’ Je voulais qu’elle réagisse comme une fille, pas comme une actrice. Je voulais qu’elle se sente humiliée », dira Bernardo Bertolucci.’’
Sans s’être jamais senti coupable et rien regretter, le célèbre metteur en scène ne fera son mea-culpa qu’en 2016, suite à la vague déferlante du mouvement » balance ton porc« . Malheureusement, à ce moment-là, l’actrice est déjà morte depuis 6 ans.
Ce qui m’a surtout intéressée dans ce livre, ce n’est pas cette descente fulgurante aux
enfers, cette autodestruction que Maria Schneider a vécue et que tout le monde connaît,
mais davantage le parallèle que fait sa cousine avec la famille dont toutes les deux sont
issues.
Une famille de suicides, d’abandons, où la tristesse, la dépression font partie du quotidien et
où surtout le silence prédomine sur le drame de Maria et son mal être.
Une famille où il y a constamment du mouvement, où la vie des autres parait fade, où le
drame les fait sortir du lot, de la masse des gens auxquels il n’arrive rien.
‘’ Une famille dont l’histoire est trop encombrante pour être capable d’en inventer d’autres« .
« Tu alimentes notre singularité avec constance et superbe », ne cesse de répéter l’écrivain.’’
Oui, certainement, mais le revers de la médaille est souvent un prix lourd à payer.
La journaliste qui était enfant à l’époque s’adresse à Maria, ce monstre sacré, qui, malgré tout, a joué avec les plus grands du cinéma.
Elle se remémore ses allées et venues, ses disparitions soudaines dans cette famille qui lui a souvent servi de refuge.
On sent une véritable admiration dans les yeux de l’écrivain, encore enfant à l’époque, puis jeune femme quand elle nous parle de cette cousine si difficile à apprivoiser, si sauvage, si destructrice, mais à la fois si passionnante par ses rencontres, ses histoires, par la légende qu’elle s’est construite.
Au début, le livre m’a paru trop complaisant par rapport au mal être et la déchéance de Maria.
En effet, Maria se pose souvent en tant que victime, ce qu’elle est, bien évidemment, mais il n’y a dans son parcours aucune recherche ou véritable tentative de se reprendre en main.
L’alcool, l’héroïne font partie de son quotidien jusqu’à ce que la maladie l’emporte.
Cependant, au fil des pages, on découvre cette maltraitance qu’elle a subie enfant par une mère qui ne l’a pas assez aimée et un père, Daniel Gélin, qui ne l’a reconnue que tardivement, jouant davantage le rôle de copain que celui de père, profitant de sa renommée en l’utilisant comme un trophée, abusant de l’héroïne comme elle et son autre fille Fiona.
Je trouve touchant la façon dont l’écrivain s’adresse à Maria.
Ce n’est pas l’histoire de Maria qu’elle écrit et dont elle connait si peu, mais la leur.
La vision de l’écrivain évolue : ce sont d’abord les yeux de l’enfant qui regarde ce personnage si emblématique et en même temps si effrayant, puis c’est la jeune femme stable, l’adulte qui s’adresse à l’actrice, qui analyse et décortique ces moments de partage sans jamais juger.
Dans chaque phrase, le lecteur sent l’amour qu’elle porte à sa cousine, et surtout le regret de ne pas avoir pu l’aider.
Ce récit est profondément humain et honnête, et j’ai été fort touchée par son écriture.