Love me tender de Constance Debré
Ce roman raconte l’histoire, somme toute assez banale, d’une femme , Constance Debré, qui, à 45 ans, décide de changer de vie et de tout plaquer.
Constance est une avocate issue de la célèbre famille Debré.
Ses parents ont toujours été considérés comme les vilains petits canards de cette tribu qui fait partie de la grande bourgeoisie française.
Des parents, qu’on préférerait taire à cause d’une vie d’excès en tous genres baignés dans une toxicomanie lourde ayant entrainé la mort prématurée de sa mère et la déchéance du père, grand reporter dans le passé.
Le livre raconte la transgression de cette femme au mitan de sa vie, fidèle jusqu’à présent aux us, coutumes et codes de sa classe sociale et qui racontera dans son livre « Playboy », son metier qu’elle quitte pour l’ecriture et son mari (le divorce se passera banalement très mal) pour les femmes.
‘’J’ai fait tout ça pour la vie nouvelle pour l’aventure pour naviguer au plus près des choses’’
A sa manière, elle flingue à la kalashnikov, une vie dont beaucoup de femmes rêveraient.
Simultanément elle change de look, devient une vraie « queer» en apparence et perd, dans la foulée, la garde de son petit garçon, Paul, qui n’a que 8 ans.
Accusée injustement d’inceste, alors qu’elle n’a jamais failli dans son rôle de mère, privée de son enfant, elle a un droit de visite rencontre toutes les deux semaines dans une association de protection de l’enfance et qui tombe une fois sur deux à l’eau « grâce » aux efforts de l’ex-mari.
Le motif du livre est simple: Que fait-on dans sa position?
Constance ne renonce pas à son fils, mais ne veut pas se repentir pour la vie qu’elle a choisie.
La juge, à l’instigation des mensonges de l’ex-mari, la société vont suspendre son lien à son enfant.
Mais comment vivre ce deuil, cette suspension?
C’est son statut de mère que la juge aux affaires familiales, représentante de la société va remettre en cause, avant tout parce qu’elle a choisi le metier d’ écrivain, conçu comme un véritable déclassement social, dans lequel elle gagnera moins bien sa vie que dans son ancien métier d’avocate et parce qu’elle aime les femmes.
Se trouvant ainsi, privée de son enfant, mise au ban de la société, la narratrice qui a tout quitté pour une illusoire quête de liberté, essaie de vivre autrement, sans son fils qui lui manque à en crever.
Comment vivre avec cette absence?
Car le prix à payer pour sa démarche est la perte de la garde de son petit garçon Paul .
Tout le reste, elle peut, dit-elle, s’en passer.
En étant dans l’interdiction de voir son fils, Constance va vivre dans une forme d’ascetisme, de dépouillement, de décontraction du moi afin d’essayer de vivre au plus près d’elle-même et des émotions qu’elle vit et ressent .
La transgression que la société lui reproche tient au fait de changer radicalement de vie, ce qui selon elle (la société) conduirait à son incapacité à être mère.
Constance s’allège petit à petit parce qu’elle veut que plus rien ne lui appartienne sauf Paul et la littérature.
Il y a un veritable désir de rupture, de se débarrasser du passé, de ce qui nous définit, afin de faire rentrer petit à petit du neuf.
Publisher of a Marble house
Elle re dessine sa vie et éprouve le besoin d’écrire. « Quelle place avons-nous sur terre? Pour arriver à toucher les choses au plus profond il faut se défaire du superflu, il faut être personnel , utilisé la première personne et raconter les éléments de sa vie ».
Après avoir suivi plusieurs interviews sur l’écrivain , je me suis rendue compte que je faisais fausse route dans ma lecture. En effet, j’avais l’impression qu’à travers cette recherche de simplicité, de dénument, Constance cherchait à se punir alors qu’il n’en est rien.
Ce qu’elle fait, c’est qu’elle ne cesse de questionner sa liberté, cette liberté qui est remise constamment en cause et en danger. Elle vit en dehors du cadre classique et le questionne constamment.
Tout ce qu’elle veut c’est écrire, récupérer son fils.
Les filles sont une forme d’exutoire, une simple provocation dont personne ne se soucie à l’heure du mariage pour tous et, dans ce chaos, elle ne parvient pas à en aimer une seule vraiment.
Les rencontres lui permettent d’aller au plus profond de soi et de se connaître mieux.
Elles font partie de l’expérience :
‘’ Naviguer au plus près des choses, des sensations ». « Il faut se débarrasser de tout et être au plus près des choses. ’’
Ces amours frénétiques, exutoires, libératrices sont comme une ré appropriation de ce corps et de cet esprit malmenés. Pour ne pas tomber dans la folie, elle pratique la nage tous les jours comme une ascèse.
Dans ce chaos, la rectitude dans la ligne de nage constitue une forme de repère. Elle se pose des questions sur ce lien mère-fils supposé indestructible.
C’est le seul lien avec le passé sur lequel elle bute constamment.
‘’Pourquoi ne pourrait-on pas un jour cesser d’aimer ses enfants? Pourquoi l’amour entre une mère et un fils ne serait pas comme les autres amours? Pourquoi ne pourrait-on pas cesser d’aimer, rompre ?’’
Est -il possible que la deconstruction du lien maternel s’opère dans le livre pour le reconstruire autrement?
Je pense qu’à travers l’écriture , elle cherche à maintenir ce lien avec son fils. Elle attend que les choses passent, se calment , tout en mettant tout sur papier, même l’indicible.
Sans doute, à travers cette déconstruction maternelle qui s’opère dans le livre, Constance espère avec le temps, car il n’y a que le temps qui guérit, une autre reconstruction qui donnera lieu à une autre relation d’une mère et de son fils .
On nous parle d’amour maternel comme si c’était évident, incassable. Malheureusement c’est un lien extrêmement fragile malgré sa force absolue qui se déroule à travers le temps et peut revêtir par moment une autre couleur que ce qui semble si évident .