Un Collectionneur Allemand de Manuel Benguigui
C’est l’histoire d’un collectionneur, un vrai, comme on en trouve plus aujourd’hui…
Un de ces ardents défenseurs de l’art qui éprouve sans cesse le besoin de voir des oeuvres, d’en être nourri , de peur de les voir s’éloigner et d’en mourrir.
1939, La Guerre avec ses devoirs, ses obligations civiles, pour tout citoyen allemand…
Ludwig a décidé d’en tirer profit… Consacrée par l’occupation de la France, la guerre représente pour Ludwig, petit colonel, l’occasion inespérée de découvrir toute la beauté du monde dans la ville des Lumières. Le jeune allemand va rapidement demander sa mutation aux services des oeuvres d’art de la Wehrmacht.
‘’ L’Humanité ne l’intéressait pas il ne voulait en voir que les créations. ’’
Grâce à ses connaissances et son extrême habilité, il sera affecté à L’ERR.
LERR, crée sur l’ordre du Führer dispose d’un parrain de poids, le maréchal Goering, qui va s’assurer que ce service travaille pour le Reich et surtout pour lui. Ludwig est chargé de récolter les oeuvres de tous genres, en priorité celles des juifs, puis d’envoyer en Allemagne, celles qui conviennent et revendre ou échanger celles qui ne correspondent pas aux critères nazis.
Car Ludwig est un expert, un maître en la matière et possède un atout qui le rend si indispensable… Il sait dénicher le chef d’oeuvre. Il connaît le Louvre et ses trésors comme personne, ayant arpenté les salles plus souvent
‘’ qu’un gardien à l’âge de la retraite ’’
Le jeune allemand n’est nullement animé par la grandeur du Reich… Tout ce qui l’intéresse est
‘’ de voir toute la beauté du monde «
» Il dort peu et ne vit que par l’art son temps d’éveil ’’
Car voir, pour Ludwig, c’est posséder, et l’allemand veut tout voir, il vise la beauté absolue.
A tel point qu’il va s’attirer les grâces de Goering , qui cherchera à l’engager à titre personnel. Gargantuesque, avide de possession, incapable de réellement saisir l’essence même d’une oeuvre… mais chasseur , traqueur invétéré au point de tout vouloir, Goering face à Ludwig est caricatural.
Si tous les deux ont en commun leur amour de l’art, leur approche, leur façon de l’aborder les oppose magistralement.
Personnage bouffon, grotesque, Goering est dans l’excès,dans la boulimie. Il aime le maniérisme italien, Cranach avec ses chérubins dont les visages poupons et empâtés rappellent ironiquement le sien, il aime Pontormo pour ses couleurs vives et bariolées…
Ludwig, par contre, ne raisonne que dans la rigueur, dans la discipline que lui impose sa vision de vie, et puis il aime surtout Durer….et les primitifs flamands.
Un jour Ludwig va rencontrer Lucette, Lucette, jeune française qui comme lui ne vit que pour l’art, Lucette résistante, Lucette qui lui fera découvrir l’amour, Lucette dont le visage lui rappelle étrangement les portraits italiens anciens..
Même si cet amour ne sera que de courte durée, quelque chose changera définitivement chez le jeune allemand.
Avec « sa Florentine » il fera enfin corps avec une personne et non plus avec des oeuvres dont les rapports
‘’si perçants et précieux fussent-ils , ne sont qu’en esprit.’’
Malheureusement, il ne le comprendra que trop tard…
Pour un premier roman , l’écrivain excelle dans la description de ses personnages et leur amour de l’art. Même si parfois le livre tire un peu en longueur, il ne pourra qu’être apprécié à sa juste valeur par les amateurs du Quattrocento Italien et des Primitifs Flamands…
Il est vrai que l’écrivain n’accorde que peu de place à l’horreur des années de guerre. Mais il s’agit avant tout d’un roman sur un homme et sa passion dévorante qui aurait certainement aimé cette phrase de Delvaux :