Celui qui va vers Elle ne revient pas de Shulem Deen
Chers Lecteurs,
Les vacances terminées, me voici de retour.
Cet été, j’ai été particulièrement touchée par cette autobiographie de Shulem Deen, né dans un des milieux juifs ultra orthodoxes les plus stricts de NY, les Skver.
Vivant dans une micro société, régie par ses propres lois, ses codes du travail, ses valeurs, l’auteur nous décrit , avec une honnêteté désarmante, sa quête de vérité, son questionnement qui ne cesseront de le poursuivre jusqu’à l’étouffer complètement.
Les pensées « perverses » ne corrompent que les esprits dépourvus de sagesse lui répéteront toute sa vie ses professeurs .
Il aura beau lutter contre ces pensées, celles-ci ne cesseront de hanter son esprit.
‘’On 12.January 2019. At vero eos et accusamus et iusto odio dignissimos ducimus qui blanditiis enim ad minima veni um deleniti atque corrupti quos sint occaecati cupiditate non provident, similique sunt culpa quis nostrum exercito mollitia harum quidem.’’
Pour comprendre la philosophie du hassidisme , il faut savoir que celle-ci se résume à un univers défini par les valeurs simples de la fidélité culturelle. Afin d’être épargnés par les calamités, les tentations du monde extérieur, les hassidiques (les membres de la communauté) vivent dans une ghettoïsation volontaire.
Ils se distinguent par la langue et leur tenue ce qui leur permet de réduire au minimum les échanges avec le monde extérieur et contribue à se les maintenir à l’écart. En interdisant les médias et les divertissements populaires ils cherchent à se préserver de toute tentation. C’est dans cet environnement culturel que l’auteur grandit.
Le livre débute par son bannissement de cette société qui a toujours été, depuis sa naissance, la sienne. Au fil des pages, celui-ci remonte dans le temps, et nous fait part de ses doutes qui grandissent, de cette soif de savoir, de cette envie de connaître le monde moderne qui l’entoure.
Les questions sont autorisées, mais seulement si elles sont posées d’une certaine manière. Enfant insoumis, Shulem Deen ne deviendra pas hérétique du jour au lendemain.
Après un mariage avec une femme qui ne l’attire pas mais qu’il apprendra à aimer, l’auteur va très vite être confronté à une réalité , celle de subvenir aux besoins de sa femme et de leur 5 enfants.
En étudiant toute la journée avec ses camarades, qui comme lui peinent à joindre les deux bouts, constamment sur la corde raide, évitant de justesse les coupures d’électricité ou de téléphone…. il se débrouillera tout juste pendant de longues années avec les bons d’achats d’alimentation, les allocations de logement fournis par la yeshiva (le lieu d’étude où il passe ses journées).
Parlant un anglais primaire, les professeurs marquent un dédain certain pour l’anglais , expliquant qu’il s’agit d’une concession accordée à contre-coeur à l’état et au système éducatif américain, Shulem Deen prendra ainsi très vite conscience de son isolement total pour se retrouver comme « étranger » parmi les siens.
Son premier éveil à l’âge adulte et qui en entrainera beaucoup d’autres se fait au travers de la radio. Tel un visiteur d’une autre époque soudain confronté à un monde totalement étranger, il veut tout écouter, même les points route et les messages publicitaires.
Suivra la médiathèque, qui deviendra son refuge. L’expérience qui consiste à parcourir une encyclopédie de base est grisante. Il fera ensuite l’achat d’une télévision, d’une voiture mettant son foyer en danger puisque tout cela n’est pas toléré par sa communauté.
Finalement la recherche d’un vrai travail pour subvenir aux besoins de sa famille deviendra une véritable obsession.
Après de longues années de souffrance, son costume commencera à craquer de toutes parts.
Shulem Deen ne parviendra plus à jouer ce rôle qui l’étouffe tant. Il ira même jusqu’à créer un blog sous une fausse identité pour échanger avec des gens ayant des expériences différentes des siennes. Ainsi découvrira-t-il d’autres univers comme l’existence d’orthodoxes parfaitement intégrés dans le monde moderne, intégrés à la société américaine, mais aussi des laïques redevenant pratiquants, des gens ayant fait des études , vivant dans le monde moderne mais ne croyant pas aveuglément à la religion et se fichant pas mal du mysticisme .
Petit à petit il éprouvera le besoin de rencontrer ces gens avec qui il échange. Inévitablement, il en viendra à questionner ses croyances à partir de bases rationnelles. Il mettra de longues années à aborder la question de l’existence de Dieu sous un angle scientifique, voire philosophique et ne parviendra plus à goûter au réconfort irrationnel, mais vital, de la prière .
Lorsqu’il fera sa mue en quittant la peau d’un hassidique pour celle d’un non croyant intégré à la société laïque, il réalisera la difficulté de son choix, qui se manifestera jusque dans les moindres petits détails de la vie quotidienne.
Shulem Deen vivra dans une solitude quasi absolue frôlant à plusieurs reprises la dépression, et, même le suicide. L’addition sera lourde pour un homme qui a toujours cru dans les traditions, dans la famille puisqu’il perdra femme, enfants et amis.
L’auteur touchera le fond, mais ira jusqu’au bout, pour se sentir enfin en accord avec ce à quoi il croit. La liberté a un prix, il en a conscience.
Il ne cessera de se battre pour la sienne.