Arrête avec tes Mensonges de Philippe Besson
Je ne me suis jamais vraiment attardée sur les livres de Philippe Besson (à ne pas confondre avec Patrick Besson) …
J’en avais lu un ou deux , sans grande conviction, mais j’avoue avoir été prise d’émotion pour ce récit autobiographique qui raconte avec pudeur les premiers amours de l’auteur dans une France profonde des années 80 où il fait plutôt bon de se ressembler que de se distancier et de sortir du lot…
Philippe Besson a 17 ans…il est différent de ses copains, un peu efféminé, un peu tapette…ses camarades de classe affirment qu’il préfère les garçons, ils l’accusent de gestes de fille, se moquent de lui d’être si mauvais en sport, incapable de lancer le poids, le javelot….
En plus d’être autre, il lit beaucoup… Cela suffit pour bâtir une réputation…
‘’Ils sont peut-être des désemparés des désorientés…’’
Heureusement, notre jeune homme est bien dans sa peau, pas du tout catastrophé par ces révélations….même si par moment, il affrontera la violence que provoque cette différence assumée, Besson se tiendra toujours à ce qu’il est …..
Jamais il ne mentira afin de ressembler aux autres ..afin de correspondre à leurs attentes…
A cette époque, Besson va rencontrer Thomas Andrieu… Thomas parle peu, fume seul…il semble absent du monde… sa solitude touche l’écrivain, son retranchement le séduit…
Thomas n’est pas un garçon pour lui…Ils viennent de deux mondes différents et ce sont les filles qui l’attirent, certainement pas Philippe, cet oiseau rare qui se distingue des autres…
Pourtant, Thomas finira par aborder Philippe en premier… Bien que terrifié par ce sentiment qui l’anime, Thomas n’arrive pas à gérer ce secret trop lourd à porter, ce désir impossible à gérer… Dans la peau de ses 16 ans, l’auteur s’est toujours demandé pourquoi lui et pas un autre ? et Thomas de lui répondre :
‘’Parce que tu partiras et que nous resterons…’’
Attistique
Thomas sait que l’auteur finira par s’échapper loin, très loin de Barbezieux avec ses ciels gris et plombés ou jamais rien ne s’y passe,
ll sait que son existence se jouera ailleurs, il sait » qu’au sein de leur communauté presque oubliée des dieux, il ne peut exister qu’un nombre infime d’élus » et que Besson en fait parti.
‘’Ce qui lui plaît chez moi est ce qui m’éloigne de lui…’’
Contrairement à l’auteur, Thomas se soucie du qu’en-dira-t-on. Il est celui qui est condamné à rester, à reprendre la ferme familiale. Il est déchiré entre ses désirs homosexuels, et sa volonté de se conformer à ce qu’on attend de lui.
Et c’est ce déchirement qui finira par le tuer, des années plus tard…
Dès le début de leur relation, tout devra rester caché entre eux : il n’est pas question de prendre le moindre risque …
Avec le temps les rendez-vous vont s’organiser, devenir plus fréquents, mais c’est toujours la même froideur,la même absence de mots…
Thomas se méfie de la douceur..
Pourtant un jour, après le plaisir accompli, les corps repus, Thomas Andrieu parlera de lui .
Fils de fermier, dans un monde où on ne parle pas et où le travail prime sur le reste, il ne peut échapper à cette trajectoire qui a été dessinée pour lui déjà, avant sa naissance…
Il parlera de ce mur, de cette barrière infranchissable,où l’interdit prédominera toujours..
Avec Philippe, et malgré leur jeune âge, Thomas découvre un nouveau monde qui lui est totalement étranger, le monde des livres, de la musique , le monde où il se sentira enfin autoriser à parler, à échanger des points de vue, des sentiments, ne correspondant pas toujours à ce qu’on attend de lui
Le temps passera, le bac arrivera et très vite ce sera la fin de leur histoire..
Besson ne fera jamais attention à la petite phrase anodine qui a été posée par Thomas Andrieu dès le départ, comme un aveu auquel leur histoire ne pourra échapper
‘’parce que tu partiras et nous resterons’’
…chacun fera son chemin…et suivra son destin …
Jusqu’au bout Thomas Andrieu se sera caché et aura mutilé sa vie… Malgré son grand départ et son ambition d’une nouvelle existence lorsque son fils sera majeur.. Il retombera finalement dans sa honte, dans ses travers, qu’ il ne parviendra jamais à assumer ….et atteindra un point de non retour…
Le livre nous confronte à cet âge décisif où les personnalités se dessinent et les ambitions, les attentes face à la vie, se mettent en place…
Sans être tout à fait adulte, certains choix marquent nos vies à jamais… Il faut juste qu’ils correspondent à ce qu’on est réellement…
Pour n’avoir écrit jusqu’à présent que des fictions et avoir toujours refusé d’écrire sur lui-même, Besson excelle dans l’autobiographie, dans la sincérité de ses émotions… Elle est loin l’époque où sa maman ne cessait de lui répéter « Arrête avec tes mensonges« …
Bravo Monsieur Besson ….