Ce Matin Là de Gaëlle Josse
‘’Le monde danse autour d’elle: il joue sa chanson et elle, ne joue plus, ne danse plus. Elle se sent derrière une vitre, à chercher ses gestes, à chercher ses pas, à se demander si un jour, elle vivra à nouveau…’’
Avec son nouveau roman, Gaëlle Josse explore brillamment les fêlures de l’âme humaine en évoquant la dépression et le burn-out.
Faisant preuve d’une remarquable justesse, elle raconte l’incompréhension des proches de Clara face à la maladie, la pression croissante au travail, l’épuisement mais aussi les décisions prises à regret des années auparavant, par obligation.
Tout commence ce matin là. La voiture de Clara ne démarre pas. Un moteur en panne, et c’est toute cette vie « organisée » qui va coincer.
A 35 ans, Clara possède, en apparence, tout ce dont on peut rêver : un travail bien payé dans une société de crédit avec des responsabilités, un bel appartement, un amoureux attentif, et des parents aimants, préoccupés par son sort. Quand la voiture ne démarre pas, Clara se trouve incapable d’appeler un garagiste, de prévenir son travail, d’envoyer un simple SMS à son compagnon.
Elle s’effondre, son corps s’effondre, et plus rien ne suit. Le néant. Tout se délite …elle lâche la rampe.
‘’J’ai voulu écrire un livre qui soit comme une main posée sur l’épaule.’’
‘’Court-circuitée’’
C’est ainsi qu’elle se sent. Désormais elle va vivre avec
‘’cette brûlure, avec du cramé, du carbonisé, du foudroyé, du consumé’’
Vous l’aurez compris, c’est l’histoire d’une chute !
C’est cette chute qui va intéresser l’auteure. Gaëlle Josse raconte une histoire qui nous touche tous.
Elle décrit très simplement la déroute, le corps qui lâche à un moment donné.
Elle pose la question suivante : Comment peut-on arriver à s’enfermer dans une situation telle qu’elle nous étrangle au point de faire éclater notre vie professionnelle, familiale, sociale ?
Et une fois à terre, comment se redresser, se reconstruire ? Car pour Clara tout va être à reconstruire.
L’écriture de Gaëlle Josse est bienveillante. L’écrivaine est proche de sa protagoniste, remplie d’empathie. La lectrice que je suis, sent qu’elle ne juge pas, mais veut comprendre comment on peut en arriver là. La dépression de Clara est très bien décrite.
Au départ, elle résiste au fait de consulter, de prendre des médicaments , de revisiter le passé accompagnée d’un professionnel du métier.
Elle tombe dans une forme de léthargie. Bien qu’isolée, elle reste très réceptive et absorbe tout ce qu’elle voit. Clara observe le monde en étant en retrait, se remplit de ce qu’elle observe.
C’est sans doute sa façon de se nourrir du monde qui continue de vivre et avancer, sa vie intérieure est très bien décrite.
Clara, c’est un peu la fille d’à côté. On pourrait être elle, elle pourrait être nous.
Petit à petit, il va falloir se reprendre, se reconstruire. Car des changements il y en aura.
Son bien aimé, Thomas la quitte, il veut faire partie « de ceux qui restent dans la lumière, du côté de ceux qui savent ce qu’ils veulent », il veut rester du côté du soleil.
Tout va être à reconstruire, la vie sociale, son propre regard, souvent dur, c’est l’auto-dépréciation de la dépression.
Ce qui m’a plu dans ce livre est l’écriture. Il s’agit d’un livre réparateur, consolant, avec une écriture douce qui nous rappelle l’importance de réaccorder et réajuster nos vies afin de trouver enfin sa juste place.
L’écrivaine pose les bonnes questions : quel est notre vrai désir de vie, que veut-on faire une fois qu’on est embarqué dans un chemin qui n’est pas celui qu’on pensait avoir, qu’on s’était dessiné ?
Elle souligne aussi l’importance de l’amitié dans une situation pareille.
Comment réagir face à un proche qui tombe dans la dépression, Que peut-on faire pour l’autre ?
La confidente de Clara, Cécile, son amie proche, lui parle et la soutient. Elle peut certainement l’aider mais pas la sauver.
Cécile a sa vie, ses problèmes, mais, au hasard d’une conversation, elle va lui jeter quelques mots qui vont finalement l’aider à retrouver le goût de la vie.
Parfois il suffit d’un mot, au bon moment pour aider l’autre. Petit à petit, Clara va redresser la tête, repenser sa vie.
‘’ Elle va retrouver sa vie et il va falloir l’apprivoiser à nouveau, réinventer ses contours pour la rendre vivable ».
« Elle voudrait retrouver le grand vent, qui fouette et rend vivant.’’
Ce récit a le mérite d’interroger sans en avoir l’air, nos choix personnels, nos désirs, et les fausses routes que l’on suit parfois, ainsi que les moyens de sortir du labyrinthe pour retrouver la lumière.
J’ai tout simplement aimé.